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« Un voyage se passe de motif. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. »

Publié le

Le jour suivant on devait aller à la DMZ. J'étais vraiment impatiente parce que du côté sud-coréen je n'y suis jamais allée. Je me disais que ça allait être vraiment strict et sérieux et, effectivement, à la DMZ, et n'importe où dans le pays d´ailleurs, il est interdit de prendre des photos des barrages militaires ou de tout soldat en uniforme et, à la DMZ, des soldats en uniforme il n'y a un peu que ça.

Dans le hall de l'hôtel j'ai croisé mon chingu qui m'a offert du chocolat (mon addiction au chocolat que j'avais uniquement révélé à notre étudiant a vite fait le tour apparemment...). On a pris l'autoroute et, si en France l'espérance de vie est de 15 minutes ici elle doit être de 3 jours et tu ne meurs pas fauché mais de soif ou de fatigue. Il doit y avoir une voiture tous les quart d'heure. On s'est arrêté sur une aire d'autoroute (la seule sûrement) où ils vendaient des rafraîchissements, cafés, thés et snacks à l'extérieur.

Et les toilettes... Je n'ai pas encore parlé des toilettes mais il faut en parler. C'est quelque chose. Alors déjà s'il y a du papier c'est un miracle et l'odeur... Mon dieu c'est irrespirable. En général c'est parce qu'il n'y pas d'eau dans la chasse (économie ?) donc ça stagne car, vu que, comme en Corée du Sud, ils ne jettent pas le papier dans les toilettes, mais dans une poubelle à côté, pas la peine de tirer la chasse, ben oui, évidement... Ah et bien sûr, ce sont à 98% du temps des toilettes à la turque. Enjoy !

Donc, après avoir désespérément demandé sans succès du papier aux hôtesses aimables comme des portes de prison, un guide d'un groupe inconnu m'a donnée ses mouchoirs. Ma reconnaissance éternelle pour lui.
Puis je suis allée me caler pour manger mon chocolat avec notre étudiant, l'étudiant en espagnol et les chauffeurs de nos bus. Ils m'ont dit que c'était marrant et surprenant que je m'entende aussi bien avec eux et ne soit justement entourée que de garçons. En même temps j'ai toujours eu plus de mal avec les coréennes et les filles du groupes avaient leurs amis, quant à Unnie, elle venait de temps en temps mais elle devait voir un peu tout le monde. Ça n'empêche que je l'aimais vraiment beaucoup. Donc, avec mon coréen approximatif on a fini par parler de foot.
On est ensuite arrivé à Panmunjeon où on a visité la maison où les négociations ont eu lieu et notre étudiant, qui n'était jamais venu à la DMZ, m'a demandée si je pouvais le prendre en photo pour qu'il en ait un souvenir. Il a aussi beaucoup discuté avec le militaire qui nous accompagnait.
On est ensuite allé là où les représentants de la Corée du Nord et de la Corée du Sud ont signé l'armistice et j'ai pu prendre une photo avec le militaire. Plus tire-la-gueule que lui tu meurs, mais c'était vraiment une façade car, quand il a vu que j'étais toujours collée avec l'étudiant de notre groupe et qu'il m'aidait à lire et à traduire le coréen écrit sur les affiches au mur, il nous a demandé (ou plutôt il a sèchement donné sa carte mémoire à mon père) de prendre une photo de lui et moi. Malheureusement sa carte ne marchait pas dans notre appareil, du coup il l'a récupérée en tirant encore plus la gueule. Je suis sortie du bâtiment en dernier avec l'étudiant et le militaire, timing parfait pour une group selfie ! J'ai sorti mon téléphone et un des guides du 2ème groupe nous a proposé de prendre la photo pour nous mais, pas besoin. Notre étudiant savait très bien ce que je m'apprêtais à faire pour en avoir été victime plusieurs fois et il s'est rapproché de moi, le militaire, lui, a levé la tête vers l'écran, surpris. Ses yeux très expressifs étaient le seul moyen de déceler la moindre réaction sur ce visage imperturbable et on pouvait clairement voir que, même s'il était un peu désorienté sur le coup, ça lui avait plutôt fait plaisir. D'après l'étudiant, il devait beaucoup aimer les photos. Peut être que s'il était un peu moins froid ça passerait mieux mais c'est sa façon d'être.
Et enfin les baraques bleues et la frontière. De l'autre côté, aucun soldat sud-coréen. Il est apparemment convenu que les touristes du nord et du sud alternent les visites. Nous sommes donc entrés à l'intérieur, escortés de soldats nord-coréens. On a pris des photos, écoutés les explications puis on est ensuite ressorti pour monter dans le bâtiment qui domine les baraques et où on a pris une photo de groupe. L'ambiance était vraiment détendue. Les soldats fumaient, les touristes blaguaient et prenaient des photos avec les militaires. Je m'attendais vraiment à plus de règles ou d'interdictions mais à part nous presser quand on trainait trop derrière le groupe, aucun soldat ne nous a jamais fait de réflexions. Le militaire de ma group selfie était encore là et est monté dans notre bus pour le retour vers l'entrée de la DMZ. L'étudiant m´a avoué qu'il restait avec nous parce qu'il lui avait dit que je l'aimais bien et que c'était plus sûr d'avoir un militaire à bord. De quoi il se mêle mon dieu...?! Il m'a fait un sourire avant de descendre du bus et on a tenu l'eye-contact jusqu'à ce qu'il soit hors de vue.

Je voulais vraiment imprimer cette image au fond de moi. Je ressentais une sorte de malaise mêlé à une certaine tristesse. Comment, dans le monde dans lequel on vit actuellement, avec toutes ces leçons qu'on aurait dû tirer du passé, un garçon à peine plus vieux que moi passait ses journées à patrouiller dans une zone si tendue et qui ne devrait pas avoir lieu d'être.

On est ensuite allé visiter Kaesong qui est une ville près de la frontière. Ils vivent comme des nord-coréens mais parlent comme des sud-coréens. La différence entre le coréen du nord et celui du sud est l'intonation, la marque de politesse et quelques mots, et surtout, ils parlent beaucoup plus vite du coup je ne comprenais jamais rien. On a donc visité l'université de Kaesong qui est classée au patrimoine mondial de l'UNESCO et qui est la plus ancienne université de Corée, reconvertie en musée. J'ai aperçu l'étudiant que j'avais rencontré la veille et on s'est fait de grands signes. Je pensais le revoir plus tard mais c'était la dernière fois que je le voyais et si je l'avais su ce moment-là je ne me serais pas contenté de juste le saluer de loin... C'est aussi à partir de là que j'ai arrêté d'appeler l'étudiant en espagnol, "Baby". Il me regardait toujours avec son regard de tueur mais ça a bien fait rire les touristes qui étaient avec nous parce que, même si on se chamaillait en coréen et qu'ils ne comprenaient pas ce qu'on disait, rien que notre comportement montrait qu'au final on s'appréciait et qu'on cherchait juste à s'embêter. Je lui demandais, par exemple, à qui je devais donner les 50 pièces pour l'acheter vu que, sur un ancien document, les esclaves coûtaient 50 pièces alors que les bœufs en coûtaient 400.
On a vu un couple prendre ses photos de mariage dans les jardins de l'université/musée et on est allé à la boutique de souvenirs.
Notre étudiant et l'espagnol se sont tenus par la main en m'affirmant qu'ils étaient gays pour me faire rire. L'homosexualité est tabou en Corée du Nord, on en a un peu parlé et pour eux c'est inconcevable mais, quand ils ont fait ça ce n'était même pas dans le but d'être irrespectueux, plutôt de me montrer qu'ils avaient compris que nos 2 cultures sont très différentes et qu'ils acceptent ça. C'était drôle mais surtout touchant. Je ne dis pas qu'ils sont ouverts d'esprit là-dessus maintenant. Non, pour eux c'est toujours contre nature je pense, mais ils savent qu'à l'étranger ça ne nous dérange pas. Je suis restée dehors avec les étudiants et les chauffeurs de bus pour regarder les femmes des alentours danser dans la rue.. Ils ont voulu me forcer à aller danser avec elles mais on a fini par jouer au foot avec un caillou.
On est ensuite allé dans un restaurant de Kaesong où ils nous ont servi de la soupe de chien et du poulet au gingembre avec plein de plats d'accompagnement. J'ai mangé la moitié des petits plats mais hors de question que je goûte la soupe de chien. C'est juste même pas envisageable. Mon père non plus. Tous les autres ont testé et apparemment c'est pas trop mauvais, très fort et gras par contre. Unnie est venue me voir pour savoir pourquoi je mangeais aussi peu, j'ai dû lui expliquer que je suis super difficile en nourriture mais que ce que j'avais mangé était très bon. Pour être honnête c'était pas exceptionnel...
On est rentré à Pyongyang juste à temps pour voir les MassDance.

A la base, ma raison principale de venir en Corée du Nord était de voir le Festival Arirang mais il n'y en a pas eu cette année et il n'y en aura pas l'année prochaine. D'après ce que j'ai compris quand le meilleur ami de notre étudiant m'a expliquée, ça coûte trop cher en personnel, temps et argent à organiser et à la base c'était pour être dans le livre Guiness des records mais bon, ça avait vraiment l'air magique donc c'est vraiment décevant de ne pas avoir pu les voir... L'organisateur des voyages m'a dit que beaucoup de gens avaient annulé pour cette raison.

Bref, les MassDance sont des rassemblement d'étudiants en habits traditionnels (hanbok pour les filles et chemise/cravate rouge/pantalon noir pour les garçons) qui font des danses par couple sur fond de musique de propagande, musiques qu'ils écoutent tous (et qui restent dans la tête soit dit en passant). Leur synchronisation parfaite était vraiment impressionnante. De là, notre étudiant a trouvé un étudiant-guide spécialisé en français qui m'a entraînée au centre avec un autre français et qui a séparé un couple pour nous faire danser avec. Embarras maximum mon dieu. Propulsée dans une foule de coréens réglés au millimètre près sans connaitre les pas... Je ne sais pas si vous réalisez la gêne que c'est. Mon partenaire stressait à mort mais il a toujours fait bonne figure et a fait de son mieux pour que j'y arrive. Le garçon du couple devant nous n'arrêtait pas de me sourire en faisant de l'eye-contact qui voulait dire "fais comme moi" mais mec, je suis une fille, je peux pas faire comme toi ! C'était un grand moment et, à part quelques cafouillages par-ci par-là, je me suis pas trop mal débrouillée une fois que j'avais compris toutes les danses. Oui, parce que ça serait trop simple qu'il n'y en ait qu'une. Quand je commençais enfin à me débrouiller, ils changeaient. Mais bon, vu que ça changeait fréquemment j'ai dû les danser toutes au moins deux ou trois fois. Le plus dur à gérer c'était surtout le stress et l'embarras. Sur l'heure de performance j'ai dansé une trentaine de minutes et un photographe n'arrêtait pas de tourner. Je ne sais pas combien de photos il a pris de moi mais j'exige une compensation financière !
À la fin, j'ai rejoint notre étudiant complètement morte et des touristes chinois sont venus me féliciter. J'étais fière de moi. C'est une expérience inoubliable. Je ne regrette pas du tout que notre étudiant m'ait forcée à y aller meme si j'ai eu un grand moment de solitude. Il m'a d'ailleurs dit lui même qu'il ne s'excuserait pas de m'avoir intégrée aux MassDance, alors que je refusais catégoriquement, parce qu'il voulait que j'ai des souvenirs inoubliables de son pays et de lui.
J'étais quand même très gênée et je voulais m'éloigner le plus vite possible. Imaginez une grande européenne, en short et débardeur, noyée dans une foule de coréens habillés pour l'occasion. Si ça c'est pas embarrassant qu'est ce que c'est ? Surtout que j'ai une morphologie bien loin des coréennes et qu'on sait que les shorts et les débardeurs en Corée du Nord c'est pas la mode. Notre étudiant m'a d'ailleurs avouée qu'il n'en avait jamais porté.
Unnie est venue me réconforter et notre étudiant est allé dire au chauffeur que j'avais dansé. Ce dernier s'est mis à rire en m'imitant dire "ah je suis embarrassée" en coréen alors j'ai commencé à le frapper pour qu'il arrête. Normalement il faut toujours respecter les ainés en Corée mais avec le chauffeur c'était différent.l était tout le temps en train de sourire et de rire, c'est vraiment une rencontre magnifique surtout qu'il ne parlait pas un seul mot d'anglais et que malgré tout, on était très complices et tout le temps en train de rire ensemble. Et, si on n'arrivait vraiment pas à communiquer, notre étudiant se moquait de moi et traduisait.
On est allé dans un bar qu'ils appellent "populaire". Moi j'imaginais un petit endroit, rempli de gens qui trinquent et jouent aux cartes mais non, c'était beaucoup plus luxueux. Pleins de petite salles où ils boivent entre amis et une "grande" où les garçons du groupe ont bu leur chope de bière.
Comme je n'aime pas la bière et que j'en avais marre de voir Kim Jong-Un visiter des complexes sportifs en construction à la télé (il devrait justement en faire du sport lui...) je suis allée à l'extérieur avec notre étudiant. Une serveuse m'a demandée si les produits de beauté français qu'on lui avait offert étaient des vrais. C'était une marque dont je n'avais jamais entendu parler mais j'ai dit que oui et elle avait l'air heureuse, c'est au moins ça.
On est allé dans un restaurant de barbecue de canard à faire soi-même. J'étais trop déçue de n'avoir jamais pu manger avec Unnie alors on s'est mis à deux tables à côté pour faire comme si ; c'est vraiment dommage que les touristes ne mangent jamais avec les guides et le chauffeur...
À la fin du repas, tous les garçons du groupes se sont décidés à boire l'alcool de serpent nord-coréen que les norvégiens avaient acheté. Rien que l'odeur était à réveiller un mort et apparemment le goût aussi...
Après le repas on est parti à la fête foraine. J'étais super excitée. N'importe qui me connaissant sait que je pense que les fêtes foraines c'est la vie.

Dans le bus j'étais avec un norvégien et on a parlé de l'étudiant. D'après lui, l'étudiant était amoureux de moi et je pense qu'il n'avait pas tort mais le fait est qu'à partir du moment où il a voulu mettre le nom de "meilleurs amis" sur notre relation on s'en est contenté et moi ça m'allait très bien. Mais à force de l'entendre me dire que son meilleur ami qui était au Spa avec nous et moi étions ses meilleurs amis (par extension ça faisait donc du meilleur ami et moi de très bons amis), qu'en Corée du Nord un meilleur ami c'est pour la vie, que toutes les promesses qu'il me faisait il les tiendrait sinon il ne les aurait jamais faites, notamment celle d'arrêter de fumer, je me suis attachée à lui à un point inimaginable. Notre histoire était comme celle d'un Walt Disney mais sans le happy ending.
Sauf qu'en arrivant il faisait la gueule. Je le voyais et je l'ai forcé à me dire que quelque chose n'allait pas mais il a refusé en prétextant qu'il devait être sérieux pendant les sorties. Il me mentait, il savait que je le savais puisqu'il m'avait appris lui-même comment savoir quand un coréen ment mais il refusait catégoriquement de l'avouer donc j'ai abandonné.


J'ai fait des attractions que je n'avais jamais osé faire auparavant et des attractions que je n'avais d'ailleurs jamais vu (par exemple, une montagne russe où on était allongés, comme si on était superman !!). On a aussi fait des auto-tamponneuses Hollande/France VS Norvège/Corée. On s'est vraiment tous amusés. Je trainais l'étudiant et le chauffeur partout avec moi. J'étais vraiment heureuse que le chauffeur soit venu au lieu de rester dans son bus. Je ne sais pas s'il avait déjà eu l'occasion de faire des attractions avec les groupes de touristes qu'il avait conduit jusqu'alors mais, il était hors de question que je le laisse s'ennuyer et fumer à côté de son bus donc je l'ai harcelé pour qu'il vienne et il est finalement venu.
J'ai croisé l'espagnol mais son groupe partait du coup on n'a rien pu faire ensemble, j'étais trop déçue... L'avantage c'est qu'en tant que touristes on n'a jamais fait la queue. C'était par contre, vraiment un moment de grand malaise. Voir tous les coréens faire la queue et leur passer devant... C'est tellement injuste. Honnêtement, c'est vraiment cool de pas faire la queue mais se faire dévisager par une longue file d'attente ça l'est moins et je les comprends totalement.
Après, avec un norvégien, on s'est amusé à s'incruster dans des photos de nord-coréens puis on est parti voir le square Kim Il-Sung de nuit et on est rentré à l'hôtel.
Il était "tard" et on était le dernier groupe à rentrer du coup je n'ai pu voir aucun autre étudiant-guide ce soir là. Le groupe s'est donné rendez-vous un peu plus tard au rez-de-chaussée. Quand je suis redescendue il n'y avait que notre étudiant, seul dans le hall. Je me suis approchée mais il avait l'air occupé alors je suis allée plus loin pour attendre qu'il finisse sauf que ça commençait à être long. Mon père est arrivé et est parti voir si le reste du groupe n'était pas déjà au sous-sol de l'hôtel.
Le sous-sol réunit toutes les salles de loisirs pour les touristes, billard, karaoké, bowling, ping-pong, etc,...
Unnie est arrivée, m'a vue et a dit "Ton ami a bientôt fini, il nous rejoindra au karaoké". Je l'ai suivie sans rien dire, qu'elle se réfère à lui en l'appelant "ton ami" m'avait totalement interloquée. On a croisé mon père au billard et on a rejoint un des couples hollandais, le chauffeur et deux norvégiens dans la salle de karaoké. Unnie a une voix magnifique, on avait l'air bien stupide avec notre "Barbie girl" à côté. Je suis allée voir mon père qui faisait une partie de billard avec les deux autres norvégiens mais comme je m'ennuyais j'ai voulu aller écouter de la musique dehors. J'ai croisé l'étudiant mais il était toujours froid alors je suis allée à l'extérieur avec mon père qui est parti voir les alentours en pleine nuit. J'étais trop en stress qu'il lui arrive un truc mais il est revenu au bout d'une heure alors que je prenais froid et mourrais d'inquiétude et de colère.

« Un voyage se passe de motif. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. »
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